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Témoignage Santé en voyage « Madame, je suis désolée : c’est le début de la fin »

Dans ce témoignage, Marine revient sur son expérience en Côte d'Ivoire et nous donne quelques conseils autour de la santé en voyage.

 

"Yako, ca va aller"


Vendredi, 23h. Il va bientôt être l’heure pour moi d’éteindre les lumières, et de baisser légèrement la climatisation. Cette dernière souffle en direction du lit, et je n’ai pas envie d’attraper un mauvais rhume. Je suis arrivée en Côte d’Ivoire depuis à peine 4 jours, et j’ai encore un mois ici. Un mois dense, intense, il ne faut pas que je perde ma voix comme au Cambodge il y a quelques années !


Minuit, je ne dors toujours pas. Je me sens nauséeuse. La faute à la bière que j’ai bue au diner ? Ou bien les effets secondaires des médicaments anti-palu ? Sueurs froides, puis chaudes. Je visite ma petite salle de bain à plusieurs reprises cette nuit-là. Pas besoin de faire un dessin, mais je penche pour une jolie intoxication alimentaire. Je bois beaucoup d’eau pour tenter de compenser les pertes. Rien ne reste. Manger dans ce maquis, le midi, n’était peut-être pas une bonne idée.


Samedi matin. Départ pour une visite de terrain. 1 heure de 4x4 plus tard, nous arrivons dans la communauté. La réunion est simple, les présentations sont rapides. Je me sens faible, et je sais déjà que je n’aurai pas la force de tenir toute la journée. Nos rendez-vous se terminent. Je demande aux équipes de reporter l’après-midi de discussions et débriefing au lundi. Nous aurons le temps de faire tout cela en même temps que la formation.


Aujourd’hui, j’ai besoin de repos.


De retour à l’hôtel, je m’allonge. Je m’endors. Je me réveille vers 17h, les yeux dans le vague. Je commande au petit restaurant une grosse assiette de riz blanc. Dont je picore quelques grains avant de replonger. Je m’endors, je me réveille. Détours par la salle de bain carrelée. J’attrape mon ordinateur, et je regarde un film. La nuit est encore très compliquée.


Dimanche matin, jour officiel de repos. J’informe mon collègue et chauffeur, logé dans le même hôtel, que je suis malade. Il me dit de le tenir au courant. Lui va aller voir de la famille aujourd’hui.


15h, je me sens fiévreuse et les symptômes ne se sont pas dissipés. Je prends ma température. 38.8. Je le sentais. 17h, 39. 17h30, 39,5. Ok, je ne peux plus attendre. Je sais que l’hôtel est attenant à la petite clinique de la ville. Je m’y traine péniblement. La nuit est tombée dehors, et les réverbères dans la rue semblent être le point de rassemblement de tous les insectes du pays.


J’informe par message mon employeur en France, et mon chauffeur sur place. A l’accueil, on me demande si j’ai emmené mon thermomètre avec moi. Stupeur. Je ne suis pas très en forme et j’ai l’esprit embrumé, mais je ne comprends pas le sens de cette question. La réponse est non. Ok, « ils vont faire autrement, alors ». Je commence à me demander si je devrais faire demi-tour. Mais je me sens tellement mal que je trouve seulement la force de m’assoir dans la salle d’attente.


Quelques minutes plus tard, je suis reçue par une infirmière. Elle procède aux mesures classiques : poids (j’aurai déjà perdu 3 kilos ? Le régime le plus rapide du monde, dis donc), température (et je comprends pourquoi mon thermomètre aurait été utile, aux vues de l’outil daté qu’elle utilise), tension. Clairement, je ne suis pas en forme.


La suite s’enchaîne : sous perfusion dans une petite salle aux néons qui grésillent, sur un lit un peu rouillé, j’ai à peine la force de poser des questions lorsque le médecin (qui semble avoir 20 ans) s’approche de moi pour m’expliquer qu’ils vont procéder à des analyses plus approfondies. Je comprends que je ne suis pas encore sortie. J’échange brièvement par message avec ma famille et mon employeur en France. Mon chauffeur arrive. Personne n’a l’air de vraiment s’inquiéter, et bizarrement, cela m’angoisse encore plus. Prises de sang, j’ai peur. Cet endroit n’a pas l’air d’être trop sale, les aiguilles sortent de leurs emballages, mais tout de même. Voilà, clinique de brousse, j’y suis.


Je somnole. Le médecin revient. Les analyses sont sans appel : j’ai contracté un palu, et une fièvre typhoïde. Comment cela-est-il possible ? Ces noms m’effraient. Ma perfusion, solution de réhydratation, met un temps fou à être absorbée par mon corps. Encore quelques heures avant de pouvoir retrouver ma chambre d’hôtel, que je pourrai rejoindre sous médicaments, d’après le médecin. Mon chauffeur est parti, et il revient avec son oncle. Son oncle, le commissaire de la ville, m’adresse tout son soutien. Yako. Ca va aller.


Mon employeur, en France, en relation avec l’organisme qui m’accueille, a contacté l’assurance. Le médecin de l’assurance m’appelle. Il se met en lien avec la structure de référence en Côte d’Ivoire, située à Abidjan. Je ne comprends rien. Ils veulent m’envoyer une ambulance ce soir, qui me ramènera à la capitale, à 4h de route. Je refuse catégoriquement. Je ne fais pas confiance à la nuit. J’ai vu plusieurs accidents, ici, en quelques heures de présence sur le territoire. Je ne veux pas prendre le risque de rouler de nuit, dans un véhicule que je ne connais pas. Mon chauffeur me ramènera. De toute façon, le lendemain soir, nous devons repartir sur Abidjan. Je vais finir ce que j’ai à faire ici.


La perfusion est terminée. Je rejoins ma chambre. Tout le monde en France, je le sais, commence à paniquer. Le palu, la fièvre typhoïde. Des noms barbares. J’ai peur aussi et, dans l’intimité de ma chambre, le corps et l’esprit embrouillés par la fièvre et la fatigue, la panique me saisit. Des souvenirs, l’histoire d’un ami me revient en mémoire. Vais-je mourir ici ?


La nuit n’est pas reposante, peuplée de cauchemars et de sombres pensées. Lundi. Je décide cependant de me rendre au bureau et de mener à bien la formation que je suis venue délivrer. Ce soir, nous serons à Abidjan, et les examens complémentaires à la clinique de référence me permettront d’en savoir plus. Les gros symptômes ont disparu, et les médicaments que j’ai pu acheter la veille font un peu leur effet. Mais je n’ai pas la force de rire et d’animer vraiment, et c’est assise que je mènerai les exercices de cette formation. Les participants, informés, sont compréhensifs. Yako, ça va aller.


Après avoir salué tout le monde, nous reprenons la route. J’arrive à Abidjan. Demain matin à la première heure, je me rendrais à la clinique.


 

" J’ai découvert l’ambulance folle qui te conduit à l’aéroport à contre-sens sur l’autoroute"


Voilà. Voilà comment se sont déroulés les premières heures et les premiers jours de ce séjour. Voilà comment peuvent se passer les choses lorsqu’on voyage solo au bout du monde. Fort heureusement, ce n’est que rarement le cas.


Fort heureusement, la plupart du temps, tout se passe bien. Fort heureusement, c’est la seule fois que cela est arrivé pour moi. Mais pour ne rien vous cacher, ce n’était que le début d’une « aventure » médicale peu agréable. Je suis arrivée à la clinique ce jour-là, pour n’en ressortir que 5 jours plus tard. Je n’avais pas contracté de palu (les médicaments avaient fait leur boulot) ni de fièvre typhoïde (l’incubation durant 10 jours, c’était techniquement impossible). Une grosse infection gastrique cependant. De nature inconnue, une bactérie avait pris possession de tout mon corps. 5 jours seule, dans une chambre, dans un hôpital inconnu, sans informations sur ma sortie, à subir une batterie de tests sans fin. Des rencontres avec tous les médecins de l’hôpital qui semblaient tous vouloir me faire visiter leur service. « Tiens, peut-être qu’on va opérer ? ». Au bout de 5 jours, et 500€ d’appel plus tard (l’assistance était en France), j’ai pu prendre un avion.


Evacuation sanitaire, j’ai découvert l’ambulance folle qui te conduit à l’aéroport à contre-sens sur l’autoroute, le passage prioritaire à la sécurité, le fauteuil roulant dans le hall, la première classe dont on ne voit rien tant on dort, la voiturette de transport à Bruxelles lors d’une escale, les regards des voyageurs inquiets, puis le taxi médicalisé à l’arrivée.


10 jours plus tard, à Lyon, j’étais de nouveau hospitalisée. Difficultés respiratoires, tachycardie inquiétante, tension au ras du sol. Au service des maladies infectieuses, dans ma chambre, je n’ai vu que des médecins et des infirmiers cachés derrière un masque. Mais j’ai pu, au moins, recevoir un peu de visite. Masquée. J’ai eu droit à toutes les analyses possibles : radios, IRM, prises de sang, analyses des muqueuses, gaz du sang. Des souvenirs qui pour certains me font encore froid dans le dos, et mal dans les poignets. Cette bactérie avait donc migré dans mes poumons.


A l’heure d’aujourd’hui, nous ne savons toujours pas de quoi il s’agissait, les antibiotiques à large spectre qui m’ont été administrés dès le début, à la petite clinique de brousse, ont caché (et heureusement) la coupable. Les pronostics ? La viande de brousse ou le poisson braisé consommés dans ce petit maquis. Je suis restée 5 jours de plus à l’hôpital, en France.


Aujourd’hui, je vais bien. Je suis retournée terminer ma mission en Côte d’Ivoire 2 mois plus tard. Mon employeur a extrêmement bien géré la situation, tant sur le plan logistique qu’humain. Je suis retournée en Côte d’Ivoire cette année, et je m’y sens bien. Je décolle pour Abidjan de nouveau dans quelques jours.


Parfois, je sens encore mon cœur qui s’emballe, ou mes poumons qui se serrent. Alors, une petite angoisse apparait : suis-je malade, encore ? Ou bien est-ce dans ma tête, tout simplement. Le médecin me rassure. Ou alors, je prends mon pouls, et je sais que c’est normal. Mon cœur bat vite, mais c’est comme ça. J’apprends à me connaitre de mieux en mieux. Je voyage, je pars, souvent seule.


Mais il y a certaines choses que j’évite, et certaines choses sur lesquelles je ne fais plus l’impasse : j’anticipe la préparation de certains repas, je prends les médicaments conseillés, je connais les gestes à effectuer pour pallier aux premiers symptômes d’une maladie, et je suis toujours au clair sur la procédure à suivre et déclencher en cas d’urgence médicale. Mes proches sont toujours un peu inquiets, mais je crois que ça va. Plus le temps passe, plus les missions s’enchainent, plus je reprends confiance.


J’ai appris tellement de cette expérience qu’aujourd’hui, même quand mon cœur bats un peu trop fort et que je peine à l’effort, je me sens plus forte, plus informée et prête à continuer !



 

" Mais si ce que j’ai appris peut vous servir, je suis ravie de pouvoir le partager "

Pourquoi ce témoignage me direz-vous ? Parce que cette situation peut arriver à tout le monde. Parce que tous ceux et celles qui se promènent à l’étranger pourraient y être confrontés. L’idée n’est pas de faire peur, l’idée n’est pas de vous empêcher de vadrouiller. Bien au contraire. Je crois que je n’arrêterai jamais. Mais si ce que j’ai appris peut vous servir, je suis ravie de pouvoir le partager.


Voici donc pour moi les points à garder en tête quand vous voyagez solo dans des pays où il existe un risque sanitaire :

  • Renseignez-vous en amont sur les maladies existantes dans le pays. Pas besoin de tomber dans la paranoïa, mais connaitre les principales pathologies seront utiles. Cela va de la simple « tourista » à des maladies plus complexes. Mieux vaut prévenir que…

  • Ne faites pas l’impasse sur les médicaments et les vaccins. Oui, je sais, se bourrer de cachets et s’injecter des trucs dans le corps, on peut être contre. Il y a parfois des alternatives plus naturelles pour certaines pathologies simples, mais il y a des choses avec lesquelles on ne devrait pas jouer. C’est un choix personnel, mais pesez s’il vous plait les pour et les contres. Une « petite » maladie ou un petit incident peut avoir de lourdes conséquences dans un pays étranger où les soins ne sont pas bien structurés. Les conséquences, même peu graves sur le court terme, peuvent durer très longtemps et dégénérer dans le futur.

  • Ne paniquez pas : parfois, on vous annoncera un truc tout moche, alors qu’en fait, il ne s’agira que d’une petite chose. La tentation est grande, alors, de paniquer, de prévoir le pire. Il est difficile de rester rationnel quand on est en difficulté, seul, à l’étranger. Parfois, c'est l'inverse, on minimise. Parlez-en!

  • Alors, gardez le lien : lorsqu’on veut partir à l’aventure et déconnecter, on a tendance, parfois, à ne communiquer que peu régulièrement avec sa famille, ses amis, ou même de ne donner que peu d’informations aux gens qu’on rencontre sur place. Mais en cas de besoin, croyez-moi, avoir quelqu’un qui sait ce que vous faites et qui peut vous soutenir, ça fait toute la différence. Certaines assurances prennent en charge la venue d’un proche si hospitalisation, mais cela peut aussi passer, tout simplement, par des appels skypes réguliers. Dans ces moment-là, on est tellement soulagé d’avoir quelqu’un, et d’avoir pensé avant à la logistique, croyez-moi !

  • Avant le départ, renseignez-vous sur votre assurance : on pense que l’assurance de notre carte bleue suffit pour nous couvrir. Non, il y a beaucoup de limitations : en fonction du lieu, de l’activité que l’on faisait, du temps de voyage. Qui plus est, qui dit assurance voyage ne dit pas forcément assistance. C’est bien l’assistance (souvent externalisée à un prestataire... et donc quelle est la fiabilité de ce prestataire?) qui viendra vous aider dans le pays. Renseignez-vous sur le fonctionnement de cette assistance : en vérité, l’assistance sera en lien avec un médecin de l'assurance, et un médecin de référence dans le pays/la clinique/l’hôpital et ensuite, après des échanges (parfois très longuets), une procédure officielle sera déclenchée. Pour ce qui est des frais, renseignez-vous aussi : parfois, il vous faudra les avancer. Comment ça marche niveau remboursement ? Là, c’est l’assurance qui fera le travail. Personnellement, tout a été pris en charge, sauf les frais de téléphone (500€ de facture). A savoir que pour cet élément, c’est l’assurance de ma carte bancaire (avec laquelle je paye mon opérateur téléphonique) qui a pris en charge une petite portion (100€… mais c’est déjà ça).

  • N’hésitez pas à faire un petit repérage des structures de santé dans le pays : avant de partir, où est l’hôpital le plus proche de votre lieu de résidence ? Sur place, où est la pharmacie ? Quel docteur contacter si besoin ? Ou aller en cas d’urgence ?

  • Et pour terminer, formez-vous et informez-vous. Développez vos compétences. Vous êtes votre premier soutien. Que faire si vous êtes solo, malade dans votre chambre d’hôtel ? Comment préparer une solution de réhydratation « maison » ? Que faire en cas de brûlure, coupure qui pourraient s‘infecter ? En cas de fracture ou entorse ? Que faire pour éviter d’aggraver un petit bobo ? Une morsure de chien ? Quels sont les risques ? Savoir et savoir-faire, c'est rassurant.

Et je voudrais seulement conclure en vous disant que si la probabilité qu’il se passe quelque chose est faible, cela n’arrive pas qu’aux autres : mais pas de panique, tout ceci est « anticipable », et totalement gérable si on se prépare un minimum. Prenez-soin de vous, c’est tout !



 

"Informez-vous, et formez-vous !"


N’hésitez pas à partager ci-dessous vos impressions, expériences ou questions concernant ce sujet !


Marine sera ravie de répondre à vos questions ou de vous rencontrer lors de notre journée de formation au Premiers secours en Voyage, à Lyon, où nous aborderons tous ces sujets en détail !




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