Entre liberté et respect : l’art du bivouac responsable
Vous le savez, j’aime à dire que l’aventure et le voyage sont un état d’esprit, et qu’il n’est pas nécessaire de partir très loin pour vibrer. Alors quand je vois que la « micro-aventure » a le vent en poupe (comprendre : partir pas loin, limiter son impact écologique MAIS sortir quand même de sa zone de confort et découvrir l’inconnu au bout du chemin), je dis oui.
Je suis moi-même grande adepte de ces petites explorations du quotidien, qu’elles soient en solo ou partagés avec des amis. Les sorties en pleine nature avec bivouac en font partie, évidemment ! Stages de survie, randonnées avec nuit en forêt ou en montagne, animation de formations, je ne rate pas une occasion de dormir dehors. Mais voilà, je me questionne quand même un peu. L’essor du bivouac et de l’aventure à portée de pieds, ça veut dire quoi pour la forêt d’à côté ?
Je vous propose donc un article en plusieurs parties, à lire d’un coup (pendant la pause-déj’) ou en plusieurs fois (au moment du café !).
Temps total de lecture, 17 minutes annoncées! GO!
Partie 1 : Nouvel engouement pour le bivouac et la micro-aventure: pour ou contre ? Partie 2 : Bivouaquer ça veut dire quoi ?
Partie 3 : Bivouac et législation
Partie 4 : Bivouac et sécurité
Partie 5 : Bivouac et environnement
Partie 6 : En conclusion, quelques ressources

Nouvel engouement pour le bivouac et la micro-aventure: pour ou contre ?
Et oui. Parce que c’est bien beau de s’interroger sur l’impact d’un voyage en voiture ou en avion, de favoriser les modes de déplacement doux, pour accéder à des zones peu fréquentées, voire isolées.
On en revient à cette notion de ralentissement du temps, à cette recherche d’exclusivité, de déconnexion, qu’on abordait déjà il y a quelques temps dans cet article sur l’Amazonie.
Mais du coup, cet engouement, et la « massification » (toute relative, je vous l’accorde… mais quand même réelle) de ce nouveau tourisme d’aventure « local » ne peut-il pas avoir un impact un peu négatif sur la nature proche de chez nous ? Alors évidemment, il ne faut pas voir le mal partout, et OUI, j’incite toujours et encore les gens à mettre le nez dehors, mais cela n’empêche pas de le faire en suivant quelques petits principes de base, toujours dans cette idée de respect des lieux dans lesquels on évolue. J’entends certains crier dans le fond, là-bas… « Et la liberté dans tout ça ?! ». Je suis un peu frileuse à me lancer dans le débat « liberté vs règles à respecter », vous m’excuserez. Je passe mon tour et préfère me concentrer sur le fond de la question.
Je pense qu’emmener les gens dans la nature, c’est leur permettre de réaliser pas mal de choses, de sensibiliser, aussi. Qui a envie de se poser sa tente au milieu d’une décharge, n’est-ce pas ? Qui a envie de voir flotter sur ce joli cours d’eau tout un tas de bouteilles plastiques ? Qui a envie de ramasser un mégot alors qu’il cherchait un trèfle à 4 feuilles, à quatre pattes dans un champ ? Personne. A ce titre, j’inviterai toujours les gens à passer du temps dehors.
Se reconnecter à la nature, c’est prendre conscience qu’elle ne va pas très bien, mais aussi et surtout, prendre conscience de ce qu’il y a à préserver. C’est recevoir, comme ça, simplement, des petits cadeaux sans les avoir demandés. Un chevreuil qui s’enfuit, un lever de soleil magique, ou encore des mirabelles sauvages pour un goûter improvisé.
Ma réponse est donc OUI, je suis pour le bivouac et pour le fait de passer du temps en pleine nature. Mais pas n’importe comment, évidemment !
Bivouaquons responsable, et sur des espaces « durables ».
Bivouaquer ça veut dire quoi ?
Tout d’abord, et sans partir dans des débats terminologiques, je voudrais juste revenir sur la définition du bivouac, qui porte en elle-même quelques notions intéressantes pour qui veut bien en faire la traduction.
Le bivouac est une pratique utilisée, à la base, par les marcheurs, les alpinistes, les VTTistes. Donc, les personnes en mouvement. Ces personnes, que l’activité conduit à s’éloigner des infrastructures existantes, ont besoin de dormir dans des lieux reculés. Le bivouac se pratique en général avec du matériel léger, en lien avec cette notion d’itinérance (une simple tente et un duvet, voire seulement un sac de couchage. Voire moins.). Evidemment, l’évolution des technologies a permis le développement de bivouacs plus élaborés, mais on reste sur cette idée de légèreté. Le bivouac est donc un campement peu aménagé, et surtout temporaire. Un bivouac, c’est une seule nuit sur le même lieu, entre le coucher du soleil, et son lever.
Le camping sauvage est une pratique un peu différente, souvent un peu plus proche de la civilisation, dans des zones parfois même habitées et bétonnées. On y met les camping-cars (ou les vans aménagés, même combat) qui stationnent sur des parkings. Les tentes posées dans un champ pour faire la fête, c’est aussi du camping sauvage, puisqu’on est venu là avec du matériel dédié pour passer la nuit (et la glacière bien remplie…).
Personnellement, la terminologie m’importe peu, mais là où je la trouve intéressante, c’est par la philosophie qu’elle reflète. Le « bivouaqueur », par définition, se fait tout petit et le plus discret possible dans l’environnement qu’il habite pour la nuit !
Ceci étant dit, je vous propose de nous pencher sur 3 points particuliers qui feront de vous un bon castor junior du bivouac. En premier, nous aborderons la question de la législation et de la sécurité. Pas très glamour, mais il faut en passer par là. Et vous verrez, finalement, ce n’est pas pour vous embêter. Pour terminer, il sera question de bivouac et environnement. Mon sujet de cœur, je dirais !
Bivouac et législation
Tout d’abord, il faut savoir qu’en France, la législation ne dit pas grand-chose sur le bivouac en tant que tel, si ce n’est qu’elle nous donne des précisions sur les heures considérées comme "coucher" et "lever" de soleil : votre campement doit être posé à partir de 19h, et démonté avant 9h. Ça laisse quand même une sacrée marge pour les plus dormeurs d’entre vous.
Ensuite, vous avez le droit de bivouaquer partout… où ce n’est pas interdit. Mais c’est là que ça se corse. Il faut donc se renseigner en amont pour savoir où on se trouve lorsque l’heure du dodo arrive, et savoir si le bivouac y est prohibé.
En gros, voici les zones qui tombent sous le coup d’interdiction, ou de restrictions :
Interdictions :
Les terrains privés (les bois le sont souvent, en France, même s’ils sont libres d’accès pour les promeneurs)
Les routes et les chemins
Les forêts et bois classés
Les bords de mer (oui oui, la plage, on oublie)
Abords d’une source de captage d’eau potable (200m)
Abords de monuments historiques
Restrictions :
Dans les parcs nationaux ou naturels régionaux, des restrictions sont mises en place dans un souci de préserver l’environnement et les espèces qui y évoluent. Il faut donc se renseigner, pour chaque parc en particulier, sur les zones de bivouac autorisées. Et si vous lisez la partie Bivouac et environnement, vous comprendrez bien vite pourquoi il faut les respecter !
Voici un lien qui vous permettra d’accéder à la liste des parcs et à leurs réglementations propres.
Qu’est-ce que je risque si je pose mon campement à la dernière minute et que je ne sais pas si c’est autorisé ?
Bon, pour plusieurs raisons, il est vivement recommandé de ne pas poser son campement à la dernière minute, déjà. Mais admettons que vous n’ayez pas le choix et que vous n’ayez pas pu repérer comme il faut la zone dans laquelle vous êtes.
Si vous êtes sur une zone privée ou publique réglementée, vous vous exposez à une amende. Car la jouissance du sol est belle et bien réservée au propriétaire de celui-ci (que ce soit un particulier ou les pouvoirs publics).
Dans la majeure partie des cas, on viendra « seulement » vous déloger et vous demander de partir. Pas très agréable, mais dans les faits, rares sont les situations où un propriétaire énervé (ou un garde forestier) en sont venus aux sanctions mentionnées plus haut. Ce qu’il faut prendre en compte, en revanche, c’est la notion de répétition. Peut-être que vous ne passerez, vous, qu’une nuit ici, mais imaginez si des vadrouilleurs se disent ça tous les jours. Il est possible que la « tolérance » des locaux soit légèrement écornée en fin de saison !
Enfin, je tiens à souligner que faire un feu est interdit toute l’année, dans les forêts françaises et les zones dont vous n'êtes pas propriétaires, et sans l'accord, à minima, de ce dernier. Là, vous risquez quand même une amende de 135€, qui sera aggravée si vous avez causé des dégâts. Toutes les informations ici.
Et pour conclure, il faut noter que ces réglementations ont bien souvent un fondement des plus entendable, à savoir sont basées sur des notions de sécurité et de protection de l’environnement. D’un coup, on se dit que ce n’est pas seulement pour nous embêter. Et ça va déjà mieux, vous voyez ?
Bivouac et sécurité
Lorsque l'on dort en pleine nature et qu’on choisit son lieu de bivouac se pose évidemment la question du confort.

Choisir son emplacement comme il faut, c’est assurer un peu de repos, souvent bien mérité. Pour autant, il faut faire avec les contraintes qui nous entourent, et prendre en considération quelques risques. Les principaux risques qu’on rencontre en bivouac sont de nature environnementale. J’entends par là : le terrain, la météo, les animaux.
Pas tellement les humains, en fait. Mais j’y reviens brièvement plus bas. D’où l’importance de choisir (ou repérer, à défaut d’installer) son lieu de bivouac de jour, pour prendre connaissance de ce qui nous entoure. Pas la peine de se presser, prenez quelques minutes pour vous poser les bonnes questions.
On s’interroge sur l’emplacement de sa tente par rapport :
au vent (pour limiter ou favoriser la prise à l’air, en fonction de la température attendue et souhaitée dans la tente)
aux arbres et à la végétation (pour se protéger de la lumière du matin, ou non, et surtout pour éviter toute potentielle chute d’arbres ou de branches affaiblis pendant la nuit, en cas de grand vent ou d’orage)
aux cours d’eau les plus proches (la montée des eaux est parfois violente, et une rivière change d’aspect en quelques minutes seulement. Un lac aussi s’il est en amont d’un barrage. Et ce même si l’orage ou la pluie ne tombent pas juste au-dessus de vous. Il peut faire très mauvais un peu plus loin, et cela viendra grossir les cours d’eau. Pour les points d’eau plus stagnants, c’est le risque moustiques qu’il faudra considérer)
au passage d’animaux sauvages ou de troupeaux (si la plupart du temps les animaux sont plus peureux que nous et ont une bonne vision pour éviter votre tente de nuit, on n’est pas à l’abri d’une vache un peu trop curieuse ou d’un troupeau de sangliers mené par un chef bigleux)